Amis Platanes, j’ai appris que la maladie vous a attaqués et que des hommes vont venir abattre plusieurs d’entre vous. Je viens recueillir votre parole si vous voulez me la confier.

Oui, belle enfant attachée au présent fragile, merci de venir nous rencontrer. Nous sommes arbres en partance, heureux de la belle vie que nous avons eu. Nous avons aimé vous offrir l’ombrage de notre feuillage généreux. Pas de peine ombreuse sur nous. Fin de vie d’arbre n’a pas d’autre destinée que l’acceptation profonde de ce qui est et ne sera plus. Le soleil de notre vie est résonance heureuse et joyeuse sur votre vie passagère. Nous gardons vos sourires comme des trophées dans notre vie d’ancêtre.
Pas de silence à venir juste un éclat de rire en partance qui saura se dire autrement, ailleurs.

Beaux arbres, vous allez nous manquer. Votre présence bienfaisante n’est pas toujours reconnue car l’habitude cache la reconnaissance. Mais votre absence sera lourde.

Tu écris dans le temps présent et ne le quitte pas. Nous sommes là encore bien vivace. Notre vie se donne en échange à l’insecte qui nous pourrit. Vie d’insecte est précieuse aussi. Pas moins précieuse que notre vie. Toute forme de vie se dit et s’éteint de la même manière, en service rendu. Pas de pleurs pour notre départ. Perte d’arbre est perte de vie digne. Elle n’appelle pas les jérémiades stériles. Elle appelle grandeur à venir et à garder.

Merci beaux arbres pour votre message ample et généreux. Votre acceptation est si peu naturelle pour nous.

Oui, vous renâclez à accepter la Vie grande comme un cadeau multiple. Elle vous donne généreusement mais vous refusez de vous accorder à elle et peinez sur votre chemin de vie. Nous n’avons pas de volonté propre et gardons ouvertes en grand les portes de l’accueil à ce qui est. Joyeuse vie qui est la notre, sans regret et sans espoir autre que d’accueillir sans frein, l’élan de vie. Pourquoi pleurer ce qui est et ne peut pas être autre ? Pas de souffrance en nous mais un accord plein et total.